Les NFT et le droit d'auteur

Le marché des NFT (jetons non fongibles) constitue un sujet qui s’invite facilement dans les conversations, autant pour en débattre que pour tenter de mieux comprendre ce nouvel univers qui bat tous les records de vente ; en témoigne l’œuvre « The Merge » vendue à 91,8 millions de dollars en décembre 2021.
Cette nouvelle facette du marché de l’art inspire parfois tout autant de méfiance que d’attirance. Comment, en tant qu’artiste, juger s’il est judicieux de se lancer sur ce marché purement spéculatif ? Comment être certain de ne pas mettre en danger son droit d’auteur ?
Le NFT et l’œuvre
Tout d’abord, il est important de savoir que le NFT est associé à une œuvre mais n’est pas l’œuvre elle-même ni le support de l’œuvre. Le NFT représente simplement un titre ; c’est-à-dire qu’il identifie et certifie le titulaire des droits portant sur un fichier numérique enregistré dans un système de blockchain. Autrement dit, être propriétaire d’un NFT, c’est la capacité d’être le seul à pouvoir revendiquer un droit d’accès exclusif au fichier numérique contenant le “sous-jacent”.
Toutefois, dès lors que le contenu du fichier numérique (ie. le sous-jacent) représente une œuvre originale au sens du droit d’auteur, les dispositions du code de la Propriété Intellectuelle seront bien évidemment applicables à l’exploitation de celle-ci, connectée au NFT. L’application des règles de propriété intellectuelle implique notamment de dissocier la propriété matérielle et la propriété immatérielle : le titulaire d’un NFT pourra revendiquer un droit de propriété portant sur le fichier numérique mais l’auteur demeure titulaire des attributs moraux et des droits patrimoniaux portant sur l’œuvre.
L’importance de la cession de droits
En pratique, ce n’est qu’au moment de la phase de « minting » que les conditions de vente et de revente ainsi que les droits de propriété intellectuelle transférés sont fixés. Le « minting » consiste à associer au NFT des conditions prédéfinies dans un « smart contract » que l’on pourrait définir comme une licence d’utilisation attachée au NFT. Il est donc essentiel pour l’auteur d’être vigilant sur l’étendue des droits d’exploitation de son œuvre qu’il entend céder. A contrario, si le « smart contract » reste silencieux sur le transfert de droits, le propriétaire du jeton ne sera titulaire que d’un certificat d’authenticité, et non de droits d’exploitation sur l’œuvre.
Dans le cas où la mise à disposition de l’œuvre sur une plateforme de NFT est effectuée par un exploitant et non par l’auteur lui-même, ce dernier devra veiller à ce qu’une cession de droits soit établie en bonne et due forme avec cet exploitant. Cette cession permettra là aussi de délimiter les droits que l’exploitant sera en mesure de sous licencier au sein du « smart contract». La cession de droits devra donc prévoir les prérogatives patrimoniales que l’auteur accepte de concéder à l’exploitant mais également à tout futur propriétaire du jeton. Le document devra bien entendu respecter les dispositions protectrices du droit d’auteur (ie. une cession de droits doit être limitée dans son étendue, sa durée et son territoire dans des termes non équivoques, précis et de portée limitée).
Bon à savoir : lorsque la plateforme choisie ne permet pas de personnaliser les droits cédés, il est impératif de prendre connaissance des conditions générales afin de mesurer l’étendue des droits cédés par la mise à disposition de l’œuvre. Si celles-ci sont imprécises ou très pauvres juridiquement, il sera certainement judicieux de se rapprocher d’une autre plateforme aux conditions davantage protectrices du droit d’auteur.
L’application du droit de suite
C’est aussi le respect du cadre légal de la propriété intellectuelle qui implique qu’un droit de suite devra être appliqué sur chaque vente réalisée, à l’instar des règles du marché de l’art physique. L’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle définit le droit de suite comme « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ».
En d’autres termes, l’auteur doit être lié au succès de l’exploitation de son œuvre et percevoir un pourcentage du montant généré par chaque revente de celle-ci. Le droit de suite doit être acquitté par l’acheteur. Là encore, lorsque l’auteur de l’œuvre ne télécharge pas lui-même son œuvre sur la plateforme de NFT mais via un tiers à qui il aura concédé l’exploitation de son œuvre, il y aura lieu de fixer les modalités de rémunération de ce droit de suite au sein de la cession de droits établie avec l’exploitant.
Bon à savoir : le droit de suite est calculé selon un pourcentage dégressif de 4 à 0,25% sur le prix de vente de l’oeuvre. Il est plafonné à hauteur de 12.500 euros, qu’il conviendra de convertir en Ethereum; la crypto monnaie couramment utilisée sur les plateformes de NFT.
Publié le 31 mai 2022, Agence Pépite.